Cérémonie du Bwa Kayiman |
En Haïti, le travail de la conscientisation de la masse doit s'accompagner d'une désaliénation perpétuelle. La politique de diabolisation et d'infériorisation de tout ce qui touche au schème religiosoculturel de la population entamée depuis la colonie, pour contenir les esclaves dans leur carcan et assurer la perduration de la structuration économique esclavagiste au profit de la métropole française, a traversé plus de deux siècles d'indépendance, en alternant force brutale et humiliation pour continuer l'exploitation de la population par un petit groupe qui se croit étranger. Ces incessants assauts, au lieu de supprimer la culture populaire, ont renforcé sa résistibilité. C'est ainsi que ces outils culturels ont contribué activement au renversement du système colonial esclavagiste, et assumé l'imperméabilité et la capacité de résistance énorme qu'a le peuple devant l'adversité. Alors, si la maîtrise de la culture du milieu populaire constitue un point important dans le processus de conscientisation, en ce qui concerne Haïti, elle est l'un des points fondamentaux, puisque la culture populaire est un lieu de dénigrement intense, où, sans aucune compréhension, elle sert de stigmate, que ce soit à travers la langue parlée par la population ou ces différentes autres formes de manifestation.
Le travail de désaliénation, et d'acceptation totale de soi comme personne historique, comme acteur, devant agir sur les conditions sociales imposées par le système capitaliste dans la société, doit se faire dans, et à travers la culture populaire. Une culture non considérée comme quelque chose d'immuable ou statique, mais plutôt comme la conçoit le courant interactionniste, où elle est présentée comme "inséparable des interactions sociales qui la produisent, dans des contextes variés et instables où cette (culture) est sans cesse appropriée, transformée, adaptée par des individus en situation. Ici, la culture n'est plus considérée comme existence en soi, mais comme un ensemble de ressources symboliques et sociales que des individus peuvent (ou non) mobiliser en situation. Il faut plutôt considérer la culture comme un processus de production sociale. Elle sera donc toujours abordée en lien avec les structures sociales et les rapports sociaux au sein desquels s'opère son émersion".
Dans le processus de conscientisation, la culture joue également le rôle de renforcement de l'identité nationale. La notion d'identité est souvent employée comme équivalente à la culture, elle s'en distingue pourtant au moins sur un plan : "Si la culture peut fonctionner sans conscience identitaire, et relève donc en grande partie de processus inconscients, la notion d'identité renvoie, quant à elle, à une norme d'appartenance nécessaire consciente, puisqu'elle implique un positionnement social et symbolique explicite de la part de l'acteur social". Le sentiment d'appartenance qu'implique le concept d'identité est indispensable pour arriver à se considérer comme responsable de son devenir social à l'intérieur du groupe sociétal. Contrairement à l'idée façonnée par les puissances capitalistes, comme quoi le développement, la démocratie, la modernité doivent sortir de l'extérieur pour être appliqués dans les pays de la périphérie au profit de leurs transformations sociales. Il est important, à travers le processus de la prise de conscience, d'amener la population à penser son propre paradigme de développement, à voir la nécessité de prendre son avenir politique en main. Le processus de transformation doit en fin de compte amener la population à comprendre les incidences de l'éducation traditionnelle sur la formation de ses progénitures et agir pour la transformer.
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