Le matriarcat est à la base de l'organisation sociale en Afrique noire. Dans les régions où le matriarcat n'a pas été altéré par une influence extérieure (religion,...), c'est la femme qui transmet les droits politiques. Car pour les noirs africains, l'hérédité n'est efficace que quand elle est d'origine maternelle.
Caractéristiques du Matriarcat:
Le matriarcat fût créé par l'homme qui menait une vie sédentaire et tirait ses subsistances de l'agriculture. Il pratiquait le culte des ancêtres, la cosmogonie ainsi que les rites funéraires. Lors du mariage, la femme reçoit une dot, elle a la possibilité de divorcer en conservant son nom totémique. Il pratiquait l'exogamie de clan. La parenté par les hommes y était impossible et la filiation et la succession sont matrilinéaires. Ce système permettait une augmentation démographique dont les terres étaient propriétés collectives et divinisées et accentuait le communautarisme. Le frère de la mère a droit de vie ou de mort sur son neveu, mais les principes moraux étaient appliqués dans le clan.
L'historien Bachofen fut le premier à étudier le matriarcat sur le sol africain. Il constata que la femme était l'élément phare de la société et du foyer familial, on lui accorde facilement la découverte de l'agriculture. C'est elle qui reçoit lors du mariage les dots, et qui gère les biens familiaux. C'est aussi par elle que se transmet l'héritage.
Ainsi, le voyageur Ibn Batouta nous raconte son étonnement lors de son voyage au Soudan en ces termes: "Ils (les Nègres) se nomment d'après leur oncle maternel et non d'après leur père; ce ne sont pas les fils qui héritent des pères, mais bien les neveux, fils de la soeur du père. Je n'ai jamais rencontré ce dernier autre part, excepté chez les infidèles de Malabar dans l'Inde."
Contrairement à ce dont il a été dit concernant le régime matriarcal, il n'est aucunement basé sur la domination de la femme sur l'homme, mais sur une collaboration harmonieuse des deux parties. En effet, la situation de la femme dans la société noire africaine est acceptée et défendue par l'homme.
L'islamisation de l'Afrique Occidentale débute au Xè siècle avec le mouvement Almoravide, la religion traditionnelle disparut peu à peu sous l'influence islamique, les moeurs et les coutumes également. C'est ainsi que le régime patrilinéaire s'est substitué, partiellement et progressivement, au régime matrilinéaire depuis le Xè siècle... L'adoption du nom du père pour les enfants semble provenir de cette même influence arabe; [Cheikh Anta Diop l'unité culturelle de l'Afrique Noire].
Femme Malienne |
Cette conception matrilinéaire de la société sera diffusée à travers le monde lors des grandes migrations des peuples noirs.
L'Éthiopie est le premier pays au monde qui fut gouverné par une reine (la reine de Sabah). La reine Candace qui gouverna aussi ce pays, fut reconnue pour sa bravoure et son courage face aux armées de César Auguste. C'est pour cela que les reines qui ont régné après elle, ont tenu à garder le nom de Candace en souvenir de cet acte glorieux. "Cette omniprésence des femmes de cour dans les cérémonies et documents officiels était liée à leur poids politique. Ce dernier rend compte de la dévotion matrilinéaire du pouvoir monarchique" Revue Ankh N°3.
À Méroé, la succession était faite de la lignée des pères à celles des fils et neveux. Les divines adoratrices se succédaient de tante à nièce. Sur les stèles funéraires Méroïtiques, le nom de la mère du défunt est mentionné avant celui du père.
L'Égypte n'est pas sans reste concernant le matriarcat, elle donne en effet l'exemple le plus manifeste et le plus durable dans ce domaine.
On retrouve à travers les croyances égyptiennes des éléments démontrant la place importante qu'occupaient les femmes dans la société. Ainsi, la triade principale n'est pas composée du père, du fils et du Saint-Esprit comme dans les sociétés où le patriarcat domine, mais du père (Osiris, Dieu de l'agriculture et de la fertilité), de la mère (Isis, Déesse mère dont l'influence et l'amour règne partout, Déesse du blé et à l'origine de sa culture) et du fils (Horus), équilibre évident à travers lequel tous les membres de la société égyptienne peuvent se confondre.Cette conception matrilinéaire de la société sera diffusée à travers le monde lors des grandes migrations des peuples noirs.
Ausar , Héru, Aset, |
La monogamie primait chez les Égyptiens, seuls les dignitaires pratiquaient la polygamie. Dans le régime matrilinéaire égyptien, seul le neveu hérite de l'oncle maternel, par contre ses propres fils n'héritent pas de lui. Dans la famille royale, les intérêts de la nation primant les mariages avaient lieu entre frères et soeurs.
La femme chez les noirs Égyptiens, jouissait d'une liberté totale, elle était honorée, le respect dont il fallait l'entourer était le plus sacré des devoirs, elle circulait sans voile, contrairement aux femmes grecques, romaines et asiatiques qui elles étaient séquestrées pendant la période classique.
On retrouve aussi au Ghana la présence du matriarcat particulièrement chez les Ashanti dont Radcliffe-Brown et Forde, dans leur livre Systèmes familiaux et matrimoniaux en Afrique, nous donnent les détails suivants:" les ashanti considèrent le lien entre mère et enfant comme la clef de voûte de toutes les relations sociales... Ils le considèrent comme une parenté morale absolument obligatoire. Une femme Ashanti ne lésine pas sur le travail ou sur les sacrifices pour le bien de ses enfants...
Egyptienne |
Chez les Bantous de l'Afrique centrale, le mariage appelé matrilocal, détermine la filiation matrilinéaire plutôt que patrilinéaire.
La plupart des peuplades bantou de l'Afrique Centrale déterminent la filiation selon la ligne matrilinéaire plutôt que patrilinéaire et beaucoup d'entre elles pratiquent une certaine forme de ce que l'on connaît habituellement sous le nom de mariage matrilocal. En fait, c'est ce caractère matrilinéaire de l'organisation familiale qui les distingue si clairement des Bantou de l'Afrique de l'Est et du Sud et c'est pour cette raison que le territoire, s'étendant des districts de l'Ouest et du Centre du Congo belge jusqu’au plateau nord-est de la Rhodésie septentrionale et des monts de Nyassaland, est parfois mentionné comme la "Ceinture matrilinéaire" de Radcliffe-Brown Cheikh Anta Diop l'unité culturelle de l'Afrique Noire.
Chez les Tswana d'Afrique du Sud, un enfant à une place dans le foyer des parents de sa mère, dit le proverbe. Un oncle maternellié, doit en particulier être consulté dans tous les cas touchant spécialement les enfants de sa soeur; son opinion est si importante que quelquefois, au moment où l'on arrange leur mariage, son veto peut être décisif...
Nous constatons l'évidente similitude de ces peuples avec l'Égypte à travers leurs us et coutumes. Le Matriarcat disparaît en partie avec l'arrivée de l'Islam et du Christianisme en Afrique noire, il est remplacé par un régime patriarcal pur et dur qui laisse peu de place à l'épanouissement de la femme noire.
Bien des chercheurs ont voulu rattacher le continent européen au matriarcat, mais des preuves incontestables ont démontré que seule la filiation patrilinéaire prédominait parmi les peuples nordiques: en effet c'est dans la vie nomade que la femme est privée en quelque sorte de la possibilité de contribuer économiquement au développement de la société; elle est réduite à son simple rôle de développement de la société; on a besoin d'elle pour s'assurer un héritier afin de ne pas laisser s'éteindre à partir de soi, la lignée ancestrale... Dans cette existence mobile où l'on se déplace perpétuellement en quête de nouvelles prairies,... elle est même considérée comme une bouche inutile dans les époques de disette et supprimée comme telle: c'est la seule explication sociologique que l'on puisse donner de l'enterrement des filles vivantes en bas âge, pratiqué exclusivement dans le monde nomade surtout aryen: même après la sédentarisation des Gréco-romains, ces pratiques qui remontent à la première époque de l'histoire de ces peuples, resteront vivaces comme séquelles du passé. Le souci majeur de l'Indo-Aryen (Blancs) était d'avoir un héritier mâle qui dut entretenir le culte domestique et assurer les libations sur l'autel familial. A Athènes, à l'apogée de sa civilisation, on pouvait voir deux frères épouser la même femme pour s'assurer une descendance, la femme était rivée à l'homme avec impossibilité de divorce , l'homme ait droit de vie et de mort sur ses enfants.
Le matriarcat était un fait uniquement noir Africain.
Tableau comparatif de Cheikh Anta Diop relatif au mode de vie :
Berceau Méridional
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Berceau Nordique
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famille matriarcale
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famille patriarcale
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État territorial
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État-cité
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émancipation de la femme dans la vie domestique, dans la société
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condition serve de la femme dans la société, totalement dominée par l'homme
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xénophilie, cosmopolitisme, sorte de collectivisme social, solidarité matérielle de droit pour un individu
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xénophobie, individualisme, solitude morale et matérielle, dégoût de l'existence, angoisse
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idéal de paix, de justice, de bonté
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idéal de guerre, de violence, de crimes et de conquêtes hérité de la vie nomade
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optimisme qui élimine toute notion de culpabilité ou de péché originel dans les créations religieuses et métaphysiques
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sentiment de culpabilité ou de péché originel qui fait bâtir des systèmes religieux ou métaphysiques pessimistes
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genre littéraire de prédilection : le roman, le conte, la fable et la comédie ; mythes agraires d'Egypte, jamais au-delà du drame cosmique
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genre littéraire par excellence : la tragédie ou le drame
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