Par « bulletin de vote », j’entends « LIBERTÉ ». Ne savez-vous donc pas que – et sur ce point, je suis en désaccord avec Lomax – le bulletin de vote a plus d’importance que le dollar ? Si je peux le prouver ? Mais bien sûr. Regardez les Nations-Unies. À l’ONU, il y a des nations pauvres : pourtant ces nations pauvres peuvent, en réunissant leur force que représentent leur voix, empêcher les nations riches de bouger. Une nation, une voix : toutes les voix sont égales. Et lorsque ces frères d’Asie, d’Afrique et des parties sombres du monde s’unissent, leurs voix ont assez de force pour tenir l’Oncle Sam en échec. Donc le bulletin de vote est bien ce qui importe le plus.
En ce moment même, dans ce pays, si vous et moi, 22 millions d’Afro-Américains …Oui c’est ce que nous sommes : des Africains qui se trouvent en Amérique. Vous n’êtes rien d’autre que des Africains. Pas autre chose. Vous devriez même aller plus loin et vous appeler des Africains et non plus des noirs. Les Africains ne vivent pas dans un enfer. Il n’y a qu’à vous que l’on fasse mener une vie d’enfer. Il n’est pas besoin de voter des lois relatives aux droits civiques pour les Africains. Un Africain peut, en ce moment même, se rendre où il lui plaît. Il suffit de s’enturbanner. C’est vrai, pour aller où il vous plaît, vous n’avez qu’à cesser d’être un noir. Changer de nom et faites-vous appeler Hougagagouba. Vous verre la stupidité de l’homme blanc. Car vous avez affaire à un imbécile. L’un de mes amis, qui a la peau très sombre, se coiffa un jour d’un turban et pénétra dans un restaurant d’Atlanta. C’était avant que les restaurants de cette ville ne se prétendissent intégrés. Il entra dans un restaurant blanc, alla s’asseoir, et ils le servirent, il dit : « qu’arrivera-t-il si un noir entrait ici ? ». Vous le voyez assis là, noir comme la nuit ! Et la serveuse qui, parce qu’il était enturbanné, daignait le regarder, de lui répondre : « Mais y’a pas un nègre qui aurait l’audace d’entrer ici »
[...]
Pour terminer, j’aimerais vous dire quelques mots de la Muslim Mosque que nous avons récemment fondée à New-York. C’est vrai, nous sommes musulmans, notre religion est l’islam, mais nous ne mélangeons pas notre religion et notre politique – nous ne le mélangeons plus. Nous gardons notre religion dans notre mosquée. Une fois nos offices terminés, nous nous engageons, en tant que musulmans, dans l’action politique, économique, sociale et civique. Nous y participons en tous lieux, en tout temps, et de toutes les façons aux côtés de tous ceux qui luttent pour mettre un terme aux maux politiques, économiques et sociaux, qui affligent les membres de notre communauté.
La philosophie politique du nationalisme noir, cela veut dire que les noirs doivent décider de leur politique et commander aux politiciens de leur communauté, un point c’est tout. L’homme noir de la communauté noire doit rapprendre la science de la politique, afin qu’il sache ce que la politique est censée lui apporter en retour. NE gaspillez pas vos bulletins de vote. Un bulletin, c’est comme une balle. Ne votez pas tant que vous n’apercevez pas de cible et si la cible est hors d’atteinte, gardez votre bulletin en poche. La philosophie politique du nationalisme noir, on l’enseigne à l’école chrétienne. On l’enseigne dans la NAACP, dans les meetings du CORE, du SNCC et ceux des musulmans. On l’enseigne là où ne se rencontrent que des athées et des agnostiques. On l’enseigne partout. Les noirs en ont assez de l’indécision, de la lenteur et des compromis qui ont caractérisé jusqu'à présent notre lutte pour la liberté. Nous voulons la liberté immédiatement mais nous ne l’aurons pas en chantant «we shall overcome». Il nous faudra combattre jusqu’à ce que nous remportions la victoire.
La philosophie économique du nationalisme noir consiste purement et simplement à dire que nous devons être maîtres de l’économie de notre communauté. Pourquoi des blancs devraient-ils tenir les banques de notre communauté ? Pourquoi l’économie de notre communauté devrait-elle être dans les mains de l’homme blanc ? Pour quelle raison ? Si un noir ne peut installer son commerce dans une communauté blanche, dites-moi pourquoi un blanc devrait installer le sien dans une communauté noire ? La philosophie du nationalisme noir consiste aussi à dire qu’il faut organiser la rééducation de la communauté noire en matière d’économie. Il faut montrer aux nôtres que lorsqu’on fait sortir un dollar de sa communauté pour le dépenser dans une communauté à laquelle on n’appartient pas, la communauté au sein de laquelle on vit s’appauvrit, tandis que celle dans la quelle on dépense son argent s’enrichit d’autant. Alors vous vous demandez pourquoi l’endroit où vous vivez est resté un ghetto ou une zone de taudis. Pour ce qui est de vous et de moi, non seulement nous perdons ce que nous dépensons en dehors de notre communauté mais encore l’homme blanc dicte ses conditions à tous les magasins de la communauté qui nous appartient ; si bien que même si nous dépensons notre dollar dans notre communauté, le soir venu, celui qui tient le magasin emporte notre argent à l’autre bout de la ville. Il nous tient dans un étau.
Ainsi la philosophie économique du nationalisme noir consiste à dire qu’il est temps que les nôtres, dans toutes les églises, organisations civiques et ordre fraternels, comprennent qu’il importe que nous soyons maîtres de l’économie de notre communauté. Si nous possédons les magasins, si nous gérons les affaires, si nous nous efforçons d’établir un peu d’industrie au sein de notre communauté, nous créons une situation qui nous permet de donner du travail aux nôtres. Une fois que vous êtes les maîtres de l’économie de votre communauté, vous n’avez plus besoin de participer à des piquets ou à des boycotts ni de supplier un raciste du quartier des affaires de vous embaucher dans son entreprise.
La philosophie sociale du nationalisme noir, cela veut dire que nous devons nous unir pour mettre un terme aux maux, aux vices, alcoolisme et autre toxicomanie qui détruisent la fibre morale de notre communauté. Nous devons par nos propres moyens élever le niveau de notre communauté afin de la faire passer à un niveau supérieur, nous devons faire en sorte que notre société soit belle afin que nous en soyons satisfaits et que nous n’allions pas courir le pays en essayant de nous faire admettre de force dans un milieu qui ne veut pas de nous.
Ainsi je l’affirme en répandant l’évangile du nationalisme noir : nous n’avons pas l’intention d’inciter les noirs à réévaluer l’homme blanc – vous savez déjà ce qu’il vaut – mais de l’inciter à se réévaluer lui-même. Ne transformez pas l’esprit de l’homme blanc – vous n’y parviendrez pas et tout le battage que font ceux qui veulent en appeler à la conscience morale de l’Amérique est vain. Il y a longtemps que l’Amérique a perdu toute conscience. L’Oncle Sam n’a pas de conscience. Ces gens ne savent pas ce qu’est la morale. Ils ne s’efforcent pas de mettre fin à un mal parce que c’est un mal ou parce que c’est illégal ou immoral ; ils n’y mettent fin que si cela constitue une menace pour leur existence. Vous perdez votre temps à en appeler à la conscience morale de ce tombé d’Oncle Sam. S’il avait une conscience il réglerait cette affaire sans qu’il fût besoin de faire davantage pression sur lui. Aussi n’est-il pas nécessaire de transformer la mentalité de l’homme blanc. C’est la notre qu’il faut transformer. Vous ne parviendrez pas à modifier son attitude à notre égard. Ce qu’il faut, c’est que nous changions de mentalité dans nos rapports les uns avec les autres. Nous devons nous considérer les uns les autres avec des yeux neufs, comme frères et sœurs. Nous devons nous unir chaleureusement afin d’être en mesure de créer l’unité et l’harmonie dont nous avons besoin pour résoudre ce problème par nous-mêmes. Comment procéderons-nous ? Comment éviter la jalousie, la méfiance et la discorde au sein de notre communauté ?
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